Romain Zerbib présente les résultats de sa recherche doctorale sur les mécanismes de diffusion des nouvelles pratiques de gestion des entreprises. La maîtrise de ce processus constitue un enjeu capital pour les cabinets internationaux dont le chiffre d’affaires s’est élevé à 210 milliards d’euros en 2012, avec une croissance de 5 à 20 % par an depuis les années 1990. L’auteur rappelle les travaux antérieurs – dus notamment à Midler, Abrahamson, Giroux et Villette – qui ont montré que l’adoption des modèles, pratiques et outils de gestion (matrices du BCG ou de McKinsey, modèle du BSC ou du BPR…) présente des dimensions à la fois institutionnaliste (les décideurs tendent à suivre les normes sociales " sans trop s’interroger à leurs sujets ") et socioculturelle (ils sont sensibles aux " effets de mode managériale "). S’inspirant de l’expérience relatée en 2007 par Fréneaux et Marcovici dans leur article intitulé " Du canular comme outil de recherche en sciences de gestion ", l’auteur interroge plus de 1 000 dirigeants d’entreprises sur un modèle fictif (Forecast of Rational Efficiency) censé mesurer la probabilité de réussite d’un projet. Ce modèle aurait été conçu et parrainé par les établissements les plus prestigieux (Harvard, HEC, Boston Consulting Group…). L’auteur présente le modèle comme étant à la fois " relationnel, efficace, moderne et simple ". L’enquête révèle que la diffusion d’une nouvelle pratique de gestion par un cabinet de conseil implique de cartographier les cibles et les réseaux de diffusion (notamment ceux des think tanks), de déjouer les parades des " gatekeepers " des modèles en usage et de lancer le nouveau modèle dans une " fenêtre d’opportunité " favorable à sa propagation.
Romain Zerbib décrit avec précision – mais aussi avec un certain courage (étant enseignant et consultant) – les manœuvres complexes auxquelles se livrent les cabinets de conseil afin de conserver la maîtrise du " référentiel cognitif " des réseaux impliqués dans le processus.
Source : Le Cercle Turgot